Les femmes Séguier
La Comtesse d'Estrades
( à droite de la cheminée )
Elisabeth-Charlotte Huguet de Sémonville est née en 1715 dans une famille issue de la noblesse désargentée mais acceptée à la cour. Les premiers hommes de sa vie, son père ainsi que son frère occupent des positions importantes : son père était le secrétaire et maître d'hôtel ordinaire du roi, et son frère lieutenant au régiment des gardes françaises. Son premier époux Charles Jean d’Estrades est tué au combat à Dettingen en 1743 sans lui laisser de progéniture.
Présentée à la cour en 1745, elle présentera à son tour Madame Le Normant d’Etioles, la femme du cousin de son feu-époux, future Mme de Pompadour. Grâce à cette parente, elle parvient à obtenir un appartement versaillais mitoyen de celle-ci et obtient le poste de dame d’atours auprès d’Adélaïde et Henriette, les sœurs du roi. Mais ce n’était pas suffisant donc elle tente alors de supplanter sa parente, dans le lit du roi. Cette entreprise est un échec et elle devient ainsi la maîtresse de M. d’Argenson, l’adversaire déclaré de Mme de Pompadour celui qui lui vaudra d’être exilé en 1755.
A 51 ans, c’est sa fortune qui pousse Maximilien âgé de 31 ans à l’épouser à Saint Brisson et réaménage la maison à son goût en séparant les actuels salle à manger et salon. La comtesse anime les appartements par sa loquacité, son enthousiasme, sa curiosité. Elle reçoit à grand frais ses anciennes relations parisiennes en reformant une petite cour et nombre de conversations philosophiques prennent place sur ces chaises, fauteuils et banquettes formant salon.
Lors de ses rares retours à Paris, Elisabeth-Charlotte se consacre aux mondanités, comme sur la gravure d’Antoine-Jean Duclos, à côté de la cheminée. Elle est dédiée à la comtesse de Saint Brisson. On retrouve les armes des Séguier et des Huguet de Sémonville pour illustrer ce concert donné en 1774 où une formation de musiciens de chambre emmené par Christoph Gluck (arrivé fraîchement à Paris, il a longtemps vécu à Vienne où il enseigna l’art du clavecin à la jeune Marie-Antoinette) et des auditeurs en habits de cour animent le salon de la Princesse de Soubise.
Menant grand train, elle s’éteint pauvrement en 1784 et est remplacée par une jeune fille plus belle, plus fortunée et qui finit tout aussi endettée à cause de son mari : Angélique Le Roy de Valmont.
Angélique Le Roy de Valmont
Célibataire de 31 ans et fille du Trésorier de France, Angélique Le Roy de Valmont épouse Maximilien Séguier. La malheureuse élue n’avait cependant pas été informée de ce qui était advenu de la fortune de la première épouse de son mari. Cette union s’avère être une aubaine pour Maximilien Séguier. En effet, cette famille parisienne est propriétaire des terres d’Autry-le-Châtel depuis 1765. Angélique n’a connaissance que trop tard de l’état des finances de son époux. Son quotidien d'épouse puis de veuve est empoisonné par les multiples dettes de Maximilien. Ruinée, elle vend à contrecoeur Saint Brisson à son neuveu en 1819.
Duchesse du Maine
(côté jardin )
Vous trouverez une représentation de la duchesse de Maine au début du XVIIIème s. (selon l’inventaire des Conservateurs du Ministère de la Culture). Cette oeuvre exécutée quelques années après son mariage fut sans doute peinte en commémoration de cet évènement. En effet, elle est en train de se saisir d’une fleur d’oranger : symbole marial de pureté et de fécondité et attribué à Vénus. Le portrait mythologique était alors à la mode, il permettait de glorifier le modèle par son assimilation à un dieu qui lui prêtait pour l’occasion jeunesse et beauté idéales. La maîtrise technique et l’observation minutieuse du réel font de ce tableau une oeuvre de grande qualité.
Face au portrait de la duchesse du Maine, vous retrouvez celui réalisé en l’honneur de Madame la duchesse de Bourgogne (Turin 6 décembre 1685 – Versailles 12 Février 1712), Marie-Adélaïde de Savoie épouse du duc de Bourgogne Louis de France, petit-fils de Louis XIV.
Duchesse de Bourgogne
( côté cour )
Nicolas Séguier (1685 - 1731), fils du marquis Jean-Baptiste Séguier (1656 - 1734) fait ses début dans la haute aristocratie en étant page de la duchesse de Bourgogne en 1703. En mémoire de ces instants partagés, les murs de Saint Brisson conservent son portrait.
Attribuée à l’atelier de Pierre Gobert, cette toile parfaitement dans la mouvance artistique de son temps : le classicisme.
Art académique qui cherche à représenter un sujet de façon objective et réaliste aussi bien dans les proportions que dans le choix des couleurs. Les œuvres produites au cours de cette période, s’étendant de la fin du XVIIème jusqu’au milieu du XVIIIème s., sont principalement des commandes passées par la noblesse qui prennent place dans les résidences privées. Luxueusement vêtue, Madame la duchesse de Bourgogne pose assise avec nonchalance, le bras accoudé à un meuble en bois richement orné, semble porter son regard directement sur le visiteur. Le chien qui l’accompagne sur ses genoux est une race de compagnie en vogue au XVIIIème appartenant à la famille des bichons.
En général, la présence du chien est symbole de fidélité mais à partir de la Renaissance, il accompagne les personnages illustres en renforçant leur pouvoir. L’arrière fond reste sobre, deux rideaux en satin rouge et bleu qui servent de décor à la toile, viennent accentuer le teint en porcelaine de la jeune femme et rehaussent le luxe de ses vêtements.
Madeleine Fabry
( salle à manger )
Un mariage peu prestigieux mais avec une dot importante à la clef nous permet de mieux comprendre pourquoi Pierre Séguier épouse en 1614 Madeleine Fabry. Fille du responsable des finances lié au trésor royal pour les dépenses de la guerre, elle est considérée par ses contemporains comme une femme avare, vaniteuse, et hypocritement dévôte. Bien que le couple soit très pieux, l’écrivain Tallemant de Réaux nous rapporte que l’épouse Séguier n'était pas célèbre pour sa fidélité. Sa liste d’amants serait particulièrement longue et variée, allant des comtes au chanoines.
“La Fabry (sic) cette ferrurière
cette laide, cette fripière
ce dragon qui rapine tout
qui court Paris de bout en bout
pour ravir aux ventes publiques
les meubles les plus magnifiques
& ne donner que peu d’argent
en faisant trembler les sergens
est à Séguier une harpie
un démon, qui sans cesse crie
qu’il faut voler à toutes mains
que sans bien les honneurs sont vains.
Elle contrefait la bigote
& se laisse lever la cotte
assaisonnant ses voluptez
d’eau bénite & de charitez.
Son mari caresse les moines,
elle caresse les Chanoines,
et fait avecque chacun d’eux
ce que l’on peut faire étant deux.”